Louis Pernot

La recherche et les options d'interprétation

 

A l'écoute des recherches et des trouvailles des musiciens ou musicologues contemporains, Louis Pernot a développé sa propre recherche sur les questions d'interprétation de la musique baroque en étudiant de près tous les ouvrages de cette époque traitant de ces questions. Il en possède lui-même un grand nombre en original ou en copie.

L'instrument et les cordes

L'instrument est bien sûr essentiel et c'est avec le facteur qu'il faut travailler. La recherche est difficile parce qu'il ne nous reste pas d'instrument entièrement d'époque (y compris le chevalet par exemple). La plupart ont été plus ou moins restaurés brutalement, et les instruments les mieux conservés, s'ils sont les plus beaux n'étaient pas forcément les meilleurs ou ceux des luthistes professionnels.

La question des cordes est traitée dans la partie "Instrument". Elle est essentielle parce que leur manière de résonner va imposer un certain type de jeu (avec des cordes en boyaux, il n'y a plus de nécessité en général d'étouffer les basses et on obtient une clarté de jeu permettant un tempo plus rapide dans certaines pièces.)

La technique instrumentale

La question est aujourd'hui bien maîtrisée par la majorité des luthistes.

Restent quelques points particuliers.

En particulier la position de la main droite. Beaucoup de luthistes aujourd'hui cherchent un son relativement "rond" en jouant assez proche de la rose. Cela peut se défendre pour la musique du 18e siècle, mais la quasi unanimité de l'iconographie et des traités du 17e siècle montre que l'on doit jouer assez près du chevalet. Cela suppose des cordes un peu moins tendues, et donne un son particulier, moins rond, peut-être moins flatteur pour nos oreilles, mais cohérent avec celui des autres instruments de cette époque. On aurait pu, en particulier, déjà à l'époque faire des clavecins avec un son plus rond, il suffisait là aussi d'attaquer les cordes plus loin du chevalet.

Le travail sur les sources manuscrites

Si certaines pièces de luth du 17e siècle nous sont parvenues par des livres gravés sous le contrôle de l'auteur (Gautier, Mouton...), beaucoup nous sont parvenues par des manuscrits divers qui font apparaître des variantes parfois importantes.

Louis Pernot attache une grande importance au travail sur les sources pour essayer de trouver la version la plus proche de la volonté de l'auteur. Pour cela un travail sur les manuscrits est indispensable.

Pour simplifier, on peut dire qu'il faut d'abord se faire une idée de la valeur d'un manuscrit en comparant, par exemple la version qu'il donne d'une pièce connue ailleurs dans une version plus sûre (par exemple imprimée), pour savoir quelle degré de confiance lui accorder pour des pièces qui n'ont pas cette source sûre. On peut aussi grâce à ces pièces voir les tendances d'un manuscrit dans ses déformations propres (au niveau de l'ornementation, des arpègements etc...) pour en corriger les orientations particulières.

L'interprétation de la musique des 17 et 18e siècles

Sur un grand nombre de points, la question est la même pour tous les instruments jouant de la musique de cette époque, et même pour le chant. C'est n'est donc pas seulement à partir des traités concernant le luth qu'il faut travailler.

Louis Pernot a porté une attention toute particulière à un certain nombre de points:

L'inégalité de certaines valeurs (souvent les croches) toujours présente, et même pour la musique du 18e puisque TOUS les traités l'évoquent. Mais elle doit être subtile, jamais systématique et naturelle.

Les silences d'articulations (silence précédant l'attaque de chaque note) est un moyen d'expression esentiel à l'époque, (et indispensable pour les instruments sans ressource dynamique comme le clavecin). Un silence plus important avant une note peut la mettre en valeur. Il est essentiel ainsi de penser et de contrôler individuellement le silence qui précède chaque note.

Les tempi, la plupart des auteurs du 17e sont unanimes pour ce qui est des tempi de chaque danse, allemandes, courantes, sarabandes etc... il n'y a donc pas de raison de faire n'importe quoi.

Le caractère des danses, peuvent aussi être bien connus par les traités, le tempo, bien sûr, mais aussi l'accentuation de certains temps, l'inégalité plus ou moins marquée etc... Tout cela était bien codifié, mais malheureusement trop peu connu aujourd'hui.

L'ornementation essentielle, mais qui doit être subtile sans déranger ni le tempo ni la mélodie.

Les arpègements qui sont propres à la technique du luth

Et surtout Louis Pernot a fait un travail important à partir de la danse. Pratiquement toute la musique instrumentale de la seconde moitié du 17e siècle en France est, à l'origine, une musique de danse. Il y a eu de très importantes recherches ces dernières années par des danseurs sur cette question. Or comme les musiciens jouaient aussi pour la danse, les recherches doivent arriver aux mêmes points. Pour danser, par exemple une courante, les danseurs ont besoin d'un certain tempo, d'une certaine dynamique. Bien sûr, un instrumentiste jouant seul peu prendre certaines libertés, mais une courante doit rester une courante, une sarabande une sarabande etc...

Cette approche donne à la musique une structure et une dynamique qui fait qu'elle ne se cantonne pas dans une mélodique sans rigueur.

C'est ainsi même que Louis Pernot a pu présenter, par exemple, la suite en sol mineur de Bach avec une troupe de danseurs baroque, ce travail a fait redécouvrir totalement l'oeuvre différemment.

Vidéo: Sarabande et double de Dufaut en Sol mineur

 

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